Donner son opinion publiquement sur le contrôle de la sécurité de l’information de projet TI d’envergure n’est pas commun. Mais pas pour Clément Gagnon…
Il y a quelques mois sur le réseau social LinkedIn, j’ai vu passé dans le fil d’actualité un billet écrit par M. Clément Gagnon de Tactika inc. Ce dernier dénonçait un projet de loi de Loto-Québec qui désirait mettre en place une stratégie de filtrage Web chez les fournisseurs d’accès Internet québécois. Le but de cette mesure est d’empêcher les Québécois d’accéder à des sites de jeux en ligne qui sont jugés illégaux.
Le billet de M. Gagnon a fait réagir bien des gens qui étaient en accord avec sa dénonciation. Pour ma part, j’étais surpris par l’opération effectuée par le conseiller en sécurité de l’information (SI). J’ai pensé à quelques reprises à ce billet et après un certain temps, j’ai décidé d’inviter M. Gagnon pour un entretien dans le but d’obtenir des réponses à mes questions.
Entretien avec M. Clément Gagnon
C’est le 18 avril dernier à Québec que j’ai invité Clément Gagnon à partager un repas en ma compagnie pour échanger sur le projet de loi 74 de Loto-Québec.
Après m’être installé à notre table et échangé sur divers sujets, j’ai débuté avec la première question.
Vous avez publié sur un réseau social, un billet dénonçant le projet de loi de Loto-Québec qui désire filtrer les accès Internet des Québécois à des sites de jeux en ligne qui sont jugés illégaux. Pourquoi donner votre opinion sur ce projet de loi?
Je m’intéresse à ce cas depuis mars 2015. […] Il y a quelques années, j’ai travaillé sur un projet de solution de filtrage Web pour les enfants. Les recherches et les travaux que j’ai effectués m’ont permis de mesurer les impacts que peut avoir une telle mesure de filtrage. […] Quand j’ai entendu parler de la proposition de Loto-Québec de filtrer les sites Web des casinos en ligne, ça m’a interpellé.
Vous avez mentionné qu’il y aurait des impacts. Quels sont-ils?
D’abord, cette mesure contrevient aux principes de la neutralité du Net. Ça sera quoi après? On ne pourra plus consulter des sites de vignobles parce que la Société des alcools du Québec aura bloqué leurs accès? Certains pays comme la France font déjà de tels filtrages et c’est inefficace. […]
Deuxièmement, il y a un coût élevé à cette mesure. La facture risque d’être importante et c’est nous, les consommateurs québécois, qui en feront les frais. […]
Je crois qu’il existe des moyens plus efficaces que cette mesure de contrôle.
Après la parution de votre billet, est-ce qu’il y a des suites?
Le billet que j’ai publié a fait beaucoup réagir les gens sur LinkedIn. J’ai reçu plusieurs commentaires favorables. J’ai été même cité dans un article traitant du projet de loi dans Le Devoir. […] J’ai tenté de déposer un mémoire sur le site de l’Assemblée nationale du Québec, mais j’ignore s’il a été considéré…
[Note : Le billet a été intégralement publié par la version électronique du journal LeSoleil. ]
À ce sujet, vous pouvez consulter le site de l’Assemblée nationale du Québec pour en savoir plus sur l’évolution du projet de loi 74.
En poursuivant la conversation, M. Gagnon me mentionne que ce n’est pas la première fois qu’il donne son opinion pour des mesures de sécurité aberrantes…
Il y a quelques années, la Ville de Québec (au Canada) a annoncé la mise en place d’un Coffre-fort virtuel pour ses citoyens. (NDLR Il s’agissait d’un espace de stockage sécurisé offert à chaque citoyen de Québec pouvant être accédé par une carte à puce.) […] M. Nicolas Roberge, moi-même et quelques autres, nous avons manifesté notre désaccord avec ce projet qui impliquait que chaque citoyen dispose d’un lecteur de cartes à puce pour accéder à son espace sécurisé. Ce projet de la Ville de Québec n’avait pas l’objet d’une analyse sérieuse.
Il avait raison puisqu’en 2013, seulement 800 citoyens (sur les 30 000 citoyens escomptés) avaient adhéré au projet de Coffre-fort virtuel. Un faible succès pour un projet ayant coûté près de 2 millions de dollars CAN.
À la fin du repas, il me mentionne également un autre projet qui ne l’a pas laissé indifférent:
En 2005 et 2006, j’ai été très impliqué dans l’analyse de l’échec du vote électronique lors des élections municipales dans la Ville de Québec. J’ai déposé un mémoire sur le vote électronique à la Commission spéciale sur la Loi électorale de l’Assemblée nationale et j’ai participé à l’enquête du Directeur général des élections du Québec.
Au final
Après ce repas, j’ai réalisé que M. Clément Gagnon fait partie des spécialistes en sécurité de l’information qui n’ont pas peur de donner leurs opinions. Ils sont seulement quelques-uns dans le domaine de la SI au Québec. Je considère qu’ils sont des sources d’inspiration puisque leurs dénonciations démontrent bien souvent leur force de caractère, leur maitrise de la SI et leur intelligence.
Lors de cet entretien, M. Gagnon m’a mentionné une phrase que je vais retenir et qui caractérise bien les gens donnant leur opinion : « Entre des regrets ou remords, je préfère avoir des remords ».
Remerciement à M. Clément Gagnon pour les propos mentionnés pour ce billet.
Photo: Clément Gagnon
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