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Marché de la sécurité au Québec vu par des gestionnaires d’entreprise

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Le marché de la sécurité de l’information (SI) au Québec est en constant changement. On l’a constaté ces derniers mois avec des acquisitions d’entreprises (comme Groupe E-Node et Agrm-PI), des embauches et des congédiements de personnel et des coupures de budgets.

Histoire de démontrer l’évolution de notre marché, j’ai cru bon interroger quatre gestionnaires d’entreprises en sécurité de l’information situés au Québec (deux de la région de Québec et deux de la région de Montréal). Ces personnes sont:

J’ai contacté chacun d’entre eux au début du mois d’août 2015 pour leur poser diverses questions et je les remercie de s’être prêtés à cet exercice pour un billet de ce blogue.

Comment était le marché de la SI en 2009?

Avant de débuter avec les questions, j’ai cru bon vous citer un extrait d’un article publié dans le magazine SÉCUS de mai 2009. Il provient d’une entrevue réalisée avec Mme Chantale Pineault d’Agrm-PI. Cette dernière décrivait le marché de la SI au Québec en 2009:

Ah ! quel marché ! Ce qui m’apparaît difficile dans le présent contexte se résume à quelques éléments. D’une part, la tarification des services semble plafonner et, d’autre part, les ressources sont rares alors que la demande est forte. C’est problématique. Lorsque les professionnels en sécurité de l’information sont suffisamment connus et qu’ils ont un bon réseautage d’affaires, ils se lancent à leur compte comme travailleurs autonomes, ce qui est tout à fait normal. Il est difficile de demander aux gens de s’impliquer alors qu’ils sont travailleurs autonomes. […] La rareté des ressources humaines en sécurité informatique est aussi un frein à la croissance.

Lire cet extrait nous retrempe dans une autre époque qui pourtant, n’est pas très lointaine.

Les nouvelles réalités du marché de la SI

Six ans plus tard, le marché de la sécurité de l’information n’est plus pareil au Québec. Voici les constats faits par ces quatre gestionnaires:

Comment percevez-vous le marché de la sécurité de l’information au Québec?

Basée à Québec, Mme Pineault répond vivement à cette première question:

Depuis deux ans, on assiste à l’effondrement du marché de la sécurité au Québec. […] Plusieurs organisations ont retardé des projets en sécurité avec le contexte d’austérité que l’on connait au Québec. […] Cela a eu des impacts sur la tarification des ressources externes de sécurité qui a baissé de 20 à 30%.

M. Régis Desmeules a mentionné une observation intéressante sur la transformation des entreprises:

Nous sommes dans un gros cycle de consolidation des entreprises de SI. […] Le marché de la SI au Québec a beaucoup changé au cours des derniers mois et il changera encore. […] On subit le même phénomène qui s’est passé avec les projets de développement. Les clients demandent maintenant des « packages » (ou offre complète); pas seulement des tâches faites par des techniciens ou des analystes. […] C’est l’ensemble du portefeuille de services de SI que les intégrateurs devront se doter. Ce n’est pas pour rien qu’Agrm-PI a été acquise par Victrix.

Pour sa part, M. Chouinard souligne un changement de mentalité de la part des gestionnaires:

Depuis les dernières années, on constate que les gestionnaires sont de plus en plus préoccupés par la sécurité. C’est particulièrement constatable dans le secteur privé où plusieurs compagnies ont amélioré leur efficacité en terme de sécurité.

Le président de Gardien Virtuel, M. Patrick Boucher constate qu’il y a présentement, un appauvrissement de la qualité dans les offres de services en SI:

Présentement, nous avons un marché de citrons. Les organisations achètent de la magie. Les fournisseurs s’inventent de l’expertise. Nous (Gardien Virtuel) soumissionnons régulièrement contre des joueurs qui gagnent les opportunités en proposant n’importe quoi. En étant très agressifs sur le prix, ils gagnent des contrats. […] Le problème, c’est que les clients ont de la difficulté à identifier des fournisseurs offrant des travaux de qualité à juste prix.

Est-ce que les entreprises ont réglé le problème de main d’oeuvre?

À cette question, Mme Pineault fait valoir une statistique intéressante basée sur sa lecture du marché:

Les grandes firmes ont comblé le manque de ressources en allant recruter à l’étranger. […] Maintenant, les spécialistes de sécurité provenant de l’extérieur du Québec comptent pour 40% du bassin.

M. Régis Desmeules constate le changement de statut de certains professionnels en SI:

Beaucoup de travailleurs autonomes sont maintenant pour des firmes de sécurité de l’information.

Le président d’In Fidem mentionne qu’il n’est pas facile de trouver des bonnes ressources:

Ça fait des années que l’on connait ça dans le marché montréalais (de recruter des étrangers). C’est des très bonnes ressources qui proviennent de marchés difficiles. Par contre, ces personnes sont difficiles à trouver. […] Également, c’est intéressant de constater que les universités et les CÉGEPS offrent maintenant des formations axées sur l’axe de la sécurité.

Pour sa part, M. Boucher évoque également la même difficulté pour sa firme:

Nous cherchons principalement des experts en SI qui sont motivés et qui ont de l’énergie. C’est difficile à trouver, mais il y en a. Il faut chercher.

Comment sera le marché de la SI dans les prochains mois?

Mme Chantale Pineault constate qu’il y aura beaucoup de travail à faire dans le futur:

Je m’attends à une relance dans les prochains mois. Les organisations qui auront négligé les investissements devront mettre les bouchés doubles, car les vulnérabilités sont toujours présentes.

Selon M. Régis Desmeules, le cycle de consolidation n’est pas terminé:

D’autres transactions d’entreprises s’effectueront dans les prochains mois. Ce n’est pas terminé.

Pensez-vous que les petites firmes s’en sortiront bien dans le futur?

Par expérience, Mme Chantale Pineault répond ceci:

Ça va devenir de plus en plus difficile pour les petites firmes de sécurité. Ça prend une santé de fer pour leurs gestionnaires. Ce n’est pas facile d’être en clientèle et de gérer une entreprise. C’est beaucoup de travail. […] Elles devront être plus distinctives dans le futur. Si elles ne font que vendre des ressources, elles ne grandiront pas.

M. Desmeules fournit une réponse similaire à celle de sa collègue de Québec:

Il y aura de la place pour les « petits » dans le futur. Mais ces derniers devront occuper des niches précises. Ils devront être innovateurs pour subsister dans cette jungle.

Et pour conclure, M. Patrick Boucher m’a mentionné une phrase qui s’applique bien aux petites firmes, peu importe l’état du marché de la SI:

Pour les petites firmes, ça sera toujours plus difficile pour eux.

Photo: Securisa (avec olloclip, macro 15x)

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